Coup de tonnerre sur le stade Queen Elizabeth. Usain Bolt gît au milieu de la ligne droite, le visage tordu par la douleur. Lors de cette finale du 4x100m, censée être la dernière apparition de la légende du sprint, le temps s’est arrêté. La victoire et le record d’Europe des Britanniques en 37“47 passent quasiment à la trappe car tout le stade souffre avec Bolt.
Tout était réglé comme du papier à musique. La finale du 4×100 masculin devait conclure en beauté cette avant-dernière journée des Mondiaux londoniens. C’était la dernière apparition d’Usain Bolt en compétition et tout le monde prévoyait une victoire jamaïcaine pour compenser le soufflet de Justin Gatlin sur 100m. Le sprinteur allait repartir auréolé d’une médaille d’or et tout allait rentrer dans l’ordre. Le relais Jamaïcain n’était-il pas trois fois champion olympique et champion du monde en titre?
Pourtant, il devait être écrit que rien ne se passerait comme prévu pour Bolt lors de ces Mondiaux. La deuxième place de Mo Farah sur 5 000m semble rétrospectivement sonner comme un avertissement pour les favoris voulant achever leur légende. Après les présentations des équipes (dont le relais français, ne les oublions pas!) tout semblait être en place pour couronner les coureurs en maillot jaune et noir.
Le départ et les premiers passages ont été à l’avantage des Anglais, Américains et Jamaïcains. Un deuxième passage de témoin tamponné a mis la France dans un retard, que Christophe Lemaître n’est pas parvenu à rattraper dans la dernière ligne droit. Tout baignait en revanche pour la Jamaïque. Bolt avait réceptionné tant bien que mal le témoin, mais qu’importe, la machine s’était mise en marche. C’est là que la soirée a pris une tournure surréaliste. Au milieu des 100 derniers mètres, le géant se fige, la mécanique s’enraye, un cloche pied, puis deux et la course se finit en roulade sur le tartan. Les habitués ont pu soupçonner un claquage en règle.
La scène est à peine croyable. Jamais Usaïn Bolt ne s’était blessé en grand championnat. Il était toujours prêt. Le géant du sprint et son staff avaient toujours su anticiper les pépins physiques, quitte à ne pas s’aligner sur certains meetings. C’est une première fois pour une dernière fois, le pire moment.
Le temps des vainqueurs britanniques est presque passé à la trappe. C’est pourtant un record d’Europe que les tout nouveaux champions du monde ont battu: 37“47. Suivent les inévitables Américains et les médaillés de bronze surprise: les Japonais. Rarement on aura vu une telle confusion sur un stade de championnat du monde. Refusant la chaise roulante, Bolt a tenu à passer la ligne debout, mais il secouait la tête : ses adieux étaient ratés. C’est peut être le verdict le plus cruel de ces Mondiaux, supposés être une fête d’adieux d’un grand champion. Usain Bolt a passé sa dernière ligne d’arrivée entouré de ses coéquipiers, déchaussé et en boitant . On avait prévu tout autre chose, on peut imaginer que Bolt aussi.
Photo Chiara Montesano/trackarena.com