Coup de tonnerre pour Bolt l’éclair. Sur les coups de 22h45 et 10 secondes, la légende jamaïcaine du sprint a été vaincue. Il ne partira pas de Londres avec un ultime titre de champion du monde dans son sac. Pire, le jeune retraité est seulement troisième derrière son bad guy de rival Justin Gatlin et le jeune prodige américain Coleman. Après le choc, on vous explique pourquoi finalement ce n’est pas bien grave.
Bolt s’est laissé doubler. Deux fois. Une image si inhabituelle qu’un vent d’apocalypse a même soufflé sur la ligne droite du stade Olympique de Londres. Passé la nuit, on respire un grand coup et on sèche ses larmes pour réaliser pourquoi Bolt en bronze, ce n’est pas si grave. Cela ne change rien à la légende vivante qu’est ce géant Jamaïcain, et même le rend encore plus extraordinaire (si, si c’est possible !)
- De prime abord, on peut se dire qu’effectivement c’est dommage. Chez nous, on aime les chiffres ronds, les victoires qui vont par trois et les départs en triomphe si c’est possible. Il faut dire qu’on était habitué depuis un certain temps à voir le colosse triompher de tous les obstacles, de toutes les blessures et de tous les adversaires qu’on agitait devant lui. Chaque fois qu’on l’avait annoncé fini, il était revenu. Il était devenu un pari facile, un scénario rassurant qui marchait à tous les coups. Alors forcément si Bolt ne gagne plus à chaque fois, c’est à se demander si le Père Noël existe… Après une décennie de victoires qui semblaient tellement faciles, on se réveille comme des enfants en manque de repères. C’est déstabilisant mais ce qui nous amène directement au point deux du processus.
- Cela nous fait réaliser que la formule magique de la victoire n’existe pas. Les championnats sont certes remplis de gens talentueux, voire de génies, qui mettent de la magie dans notre sport. Pourtant, à ce niveau la victoire n’est acquise pour personne. Même si l’impression de facilité est séduisante, elle se paie par des innombrables heures d’entraînement pour être prêt le jour J. Chaque titre est le fruit d’un pari sans cesse renouvelé, même pour Bolt. Sa troisième place rappelle cette réalité du haut niveau et humanise le géant que l’on avait confortablement vu comme imbattable.
- Ce bronze apporte un relief nouveau au parcours de Bolt. Cet athlète a réussi pendant 10 ans à être invaincu sur une discipline où être régulier relève d’un exploit permanent. Ce jamaïcain a été durant sa carrière un forçat de travail, chose que l’on oublie volontiers face à ses pitreries décomplexées dans la chambre d’appel. Même troisième, Bolt reste un monstre.
- D’autant que la machine a déjà connu des ratés et on ne l’a pas moins aimé pour autant. Lors des derniers mondiaux à Pékin, il s’en est fallu d’un centième pour que Gatlin ne lui prenne son titre. Comme un avertissement qui soulignait déjà que le roi du sprint n’avait plus autant de marge qu’avant. Malgré son image médiatique d’intouchable, Bolt est humain et a déjà failli. Son faux départ de Daegu en 2011 reste comme la seule vraie erreur d’un parcours quasi sans fautes.
- Si on regarde sa course à Londres, Bolt n’a pas fait d’erreur majeure. Un départ mauvais certes, mais pas beaucoup plus en retard que d’habitude. Il n’a simplement pas eu cet état de grâce dans les trente derniers mètres qui lui assurait à chaque fois la victoire. Alors oui, en tant qu’athlète on a grandi avec l’ascension et le règne de Bolt sur le sprint mondial. C’était celui qui avait battu Asafa Powel, celui des trois records du monde aux JO Pékin. Avec sa retraite et sa défaite s’ouvre désormais une nouvelle ère où gagner le 100 mètres avec quatre foulées d’avance n’est plus possible et c’est tant mieux. Un retour à la normal en somme.
- Mais Usain Bolt c’est plus que des victoires et des courses stratosphériques. Au-delà de ses performances, il est celui qui a révolutionné l’esprit du sprint mondial. Exit les visages fermés et anxiogènes des sprinters au départ. Sous son règne, le sprint est devenu une fête, un jeu qui rend l’athlétisme encore plus beau à regarder. La force de Bolt est d’être connu et apprécié au-dehors des Même auréolé d’une simple médaille de bronze, le Jamaïcain a pris le temps pour son traditionnel tour d’honneur avec poignées de main et selfies, comme s’il avait gagné. Parce qu’au fond, le résultat final est anecdotique. Peut-être est-il le premier à penser que ce n’est pas si grave. Alors pourquoi ressasser une simple course sur une carrière aussi impressionnante ?
- Enfin et je m’en tiendrais là, Usain Bolt n’est pas le champion du monde et je viens de faire un article entier sur un coureur arrivé en troisième position. Sans même m’appesantir sur le premier! Alors merci monsieur Bolt et bon vent pour votre nouvelle vie.
Photo Chiara Montesano/trackarena.com